L’art pour donner accès au sacré, le sacré pour donner accès à l’art.

Ce mois-ci, nous donnons la parole à Romaine Masserey qui partage le chemin de croix depuis plus de 20 ans avec des personnes de tous horizons. A chaque fois, l’Esprit Saint surprend, provoquant la rencontre entre la soif de chacun et l’abondance de la Source divine.
Cher lecteur, aujourd’hui, par ces quelques lignes, c’est à toi qu’elle aimerait faire découvrir ou redécouvrir cet extraordinaire chemin que nous offre le Père par son Fils pour faire de nous des êtres d’Amour.

Article paru dans le numéro de mars 2022 de «L’Essentiel, votre magazine paroissial»

Texte: Romaine Masserey
Photos: Romaine Masserey et Chantal Salamin

Le chemin de croix est un outil thérapeutique de pointe alliant art, spiritualité et psychologie, de l’art-thérapie avant l’heure. Le chemin de croix nous permet de rétablir le lien d’amour qui devrait nous unir à nous-mêmes ainsi que à ce qui est autre que nous-mêmes. Plus ce lien est faible et fragile, plus il y a risque de mal être et de maladie. Le renforcement de ce lien permet à notre dynamique de vie de prendre le dessus sur notre dynamique de mort et de souffrance.

Une œuvre sacrée pour la personne dans sa globalité

11e station du chemin de croix dans la montée du Brünig, dans sa 3e chute, Jésus recouvre complètement la terre de son corps, la terre, c’est nous !

Les scènes représentées à chaque station sont des images structurantes chargées de sens. Les stations forment dans leur ensemble une œuvre représentant le processus d’individuation. L’œuvre du chemin de croix est composée pour nous, sur mesure, elle est identitaire de la nature humaine.

Bien souvent, nous ne voyons pas les choses comme elles sont, mais comme nous sommes. Ce que nous voyons et ressentons devant une station relève de ce que nous vivons ou avons vécu ! Les scènes structurantes des stations sont des modèles influents, des archétypes, bien plus complets que ce que nous en percevons dans un premier temps. Les scènes nous invitent à rectifier notre pensée. Les émotions qui en découlent alors sont plus positives et influencent positivement notre homéostasie [1]. La Passion du Christ offre un soin englobant le mental, les émotions ainsi que le corps de la personne.

Les artistes qui créent des chemins de croix s’approprient parfois l’œuvre et la falsifient quelque peu. Cela n’a guère d’incidence en soi car l’Esprit Saint qui est derrière le projet fait son propre œuvre.

Derrière l’œuvre, LA Rencontre

14ème station du chemin vers Longeborgne, Jésus rencontre sa mère, par Marie, nous rencontrons l’Amour de Jésus!

Les scènes représentées aux stations sont des supports d’expression de l’Esprit Saint. Au fur et à mesure de la contemplation et des révélations de chaque station, l’œuvre laisse transparaître un processus qui existe sur le plan subtil. Nous ne pouvons pas contrôler ce processus, il est d’un ordre différent de celui de l’imagination ou des connaissances personnelles. Il est bien établi, fondamental, universel.

Petit à petit, devant l’évidence de l’existence de ce processus, la personne entre en relation avec lui et commence à se spiritualiser. Elle découvre alors une intelligence supérieure. Cette intelligence interagit avec notre intellect, mais également avec notre affect. De même qu’elle donne une réponse intellectuelle aux questions intellectuelles, elle donne une réponse affective aux questions affectives que nous nous posons. La douceur et la tendresse émanant d’une source indépendante de nous-mêmes nous touchent peu à peu.

Pour communiquer avec la Source, la Passion du Christ nous réapprend l’art de la prière. Elle nous apprend la sagesse de l’émotion et du sentiment. Cette sagesse est nécessaire à la prière afin que celle-ci ne soit pas qu’un ensemble de mots, la prière est ce que nous sommes. L’intellect ainsi que l’affect de la personne peuvent dès lors fonctionner ensemble, de façon éclairée et nourrie. La relation réciproque consciente avec Dieu s’établit.

Chacune des scènes du chemin de croix met en avant un soin différent bien que Dieu nous donne l’entier du mystère de la Passion à chaque station. Même s’il est réparti visuellement et conceptuellement sur les 14 stations, sans forcément en avoir conscience, nous recevons l’entier de ce mystère en chaque instant.

La Passion du Christ nous livre un extraordinaire mode d’emploi de l’Homme et de sa rencontre fondatrice avec Dieu. Elle rétablit le sens ainsi que le lien, deux éléments indispensables à l’équilibre.

[1] L’homéostasie correspond à la capacité d’un système à maintenir l’équilibre de son milieu intérieur, quelles que soient les contraintes externes.

L’amour n’est pas un sentiment, il est la substance même de la création.

Christiane Singer

Première station: Jésus est condamné à mort

… station des cinq grandes blessures: abandon, injustice, trahison, rejet, humiliation. La foule qui l’avait porté aux nues souhaite maintenant sa mort. Elle représente le système manichéen qui juge, condamne et divise. La première station nous invite clairement à sortir de ce système de pensée. Le Christ démontre une attitude d’acceptation, mais cela ne signifie pas qu’il approuve ce qui se passe. L’acceptation n’est pas l’approbation. L’acceptation va permettre d’avancer, de progresser, de guérir, elle en contient les éléments nécessaires, elle amorce le processus de résilience. Le Christ peut accepter, car il a confiance en son Père. La confiance est primordiale, le lien est fort, la station exprime la nécessité du lien ainsi que la nécessité de la confiance.

Confiance en la vie qui se prolonge au-delà de la matière visible. Confiance en le bien qui est la base de l’Ordre divin, confiance en soi. Cette station nous enjoint à ne plus juger, mais à mesurer si nécessaire. Il s’agit dès lors d’une démarche intellectuelle différente, intelligente qui permet de réparer, de construire, d’unir.

Ponce Pilate se lave les mains, il touche l’eau, elle est logiquement présentée par l’enfant. L’eau est une interface, celle-ci symbolise la conscience éclairée, il touche sa conscience. Ponce Pilate sait ce qui se joue, il sait qu’il ne peut pas juger le Christ. Le trône de Ponce Pilate est celui d’un roi temporel et le royaume du Christ est d’un autre monde, l’esprit a de l’ascendant sur la matière…

Quatrième station: Jésus rencontre sa mère

… station de l’éveil du cœur, il n’y a pas d’amour véritable avant cela. Cette station nous signifie que Marie est sur le chemin, elle est présente, elle est prête à accueillir. Par contre, Marie ne s’approprie pas son enfant, elle ne se met pas en travers de son chemin, car elle sait que des choses doivent encore s’accomplir pour lui avant qu’il ne puisse reposer dans ses bras à la descente de la croix.

La Passion du Christ mène à la mort, puis à la résurrection de celui-ci afin de pouvoir racheter l’ensemble des péchés de l’humanité quelle que soit leur nature. Toute personne, quelle que soit la gravité des actes qu’elle a commis ou quelle que soit sa souffrance suite à des actes dont elle a été victime, peut être soignée et guérie par la Passion du Christ.

La rencontre avec Marie, avec la douceur, la tendresse, est une rencontre cruciale, elle est accueillante, chaude, nourrissante et bienveillante… La personne va y prendre goût. C’est une rencontre qui se produit au niveau du cœur, des sentiments, de l’émotion. C’est une rencontre qui se ressent, qui se goûte. Dans notre sphère du ressenti, cette rencontre met en place un référentiel affectif supérieur et change l’atmosphère intérieur de la personne. Cette rencontre va également agir au niveau de l’intellect, du réfléchi, en l’amorisant petit à petit. Cette amorisation [2] progressive des sentiments ainsi que du mental soigne le stress post-traumatique et permet un «déclassement» naturel des addictions dans un processus équilibré et respectueux de la personne. Celle-ci se libère peu à peu permettant à l’indispensable calme de s’installer pour que les forces naturelles pénètrent mieux le corps. La rencontre avec Marie sert de garde-fou, elle nous ramène à la chaleur dans la relation, elle nous empêche de dériver…

[2] Terme créé par Teilhard de Chardin, désigne le fait d’amoriser, de s’affermir ou de se revigorer grâce à l’amour divin.
«L’amorisation de l’Univers… L’Univers s’amorisant et se personnalisant dans le dynamisme même de son évolution… Le Christianisme… reprend et consolide… sa place axiale et dirigeante… : pourvu que soit prêté attention suffisante à son extraordinaire et significatif pouvoir de « panamorisation.» (Teilhard de Chardin, «Le Christique», 1955)

Troisième, septième et neuvième station : les trois chutes du Christ

… l’œuvre présente trois chutes, elles représentent trois niveaux d’intégration de l’Esprit. Nous sommes symboliquement la terre sur laquelle le Christ va descendre progressivement. Pour autant que l’artiste connaisse et respecte le processus, le Christ est représenté à genoux, puis à genoux mais avec une main ou les deux sur la terre, puis il est représenté allongé sur la terre.

La première chute représente la descente de l’Esprit au niveau du corps de la pensée, il en résulte un effondrement des idéologies et croyances ancrées dans notre pensée. La station de la deuxième chute exprime la descente de l’Esprit au niveau du corps émotionnel. A la troisième chute, l’Esprit continue sa descente sur terre, le Christ est représenté allongé et la recouvre amoureusement. A ce niveau, le corps physique est touché, c’est enfin l’être tout entier. Les différents corps de la personne peuvent dès lors exprimer l’amour, la force, la douceur, l’intelligence éclairée… La terre n’est plus stérile, elle devient féconde et peut fleurir et porter du fruit. Observez le regard du Christ sur la fleur, l’artiste a bien saisi l’essence de la station…

…ECCE HOMO

«Chemin de Résurrection»

Par Chantal Salamin-Bérard

Cet ouvrage écrit par Marcel Dürrer nous fait entrer dans le mystère du Chemin de Résurrection qui propose un chemin pour repérer dans nos vies ces signes qui nous «ressuscitent». C’est un chemin pour aujourd’hui, qui puise sa source dans le chemin de croix et propose 14 pas à franchir à partir des mystères essentiels de la vie : la rencontre, l’amour, la souffrance, la mort et la renaissance. Une étape préalable «La porte, le seuil» nous invite à y entrer autrement et une étape finale «La Table» nous invite à partager plus loin. Le défi de chaque pas est de se laisser transformer par la force de Dieu qui a ressuscité son Fils, à laisser parler l’image en soi.

Sur le site de l’éditeur

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